Login

Le pacte d’orientation agricole divise les syndicats et les ONG

Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a présenté, le 15 décembre 2023, les 35 mesures du pacte d’orientation et d’avenir agricoles dont l'objectif est de former et d'installer une nouvelle génération d'agriculteurs.

« Des mesures marginales », « pas de cap », « une mauvaise orientation », un pacte et une loi « qui ratent leur cible »… Les réactions aux annonces du ministre de l’Agriculture sur le très attendu pacte d’orientation et d’avenir agricoles ne se sont pas fait attendre.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Après des mois de tractations et de tergiversations, le ministre de l’Agriculture a présenté, le vendredi 15 décembre 2023, le pacte d’orientation et d’avenir agricoles lors d’un déplacement au lycée agricole d’Yvetot, dans la Seine-Maritime. C’est avec un avis mitigé que la FNSEA accueille les annonces de Marc Fesneau.

La FNSEA « jugera sur pièce »

Si les 35 mesures du pacte comportent des « nombreuses intensions intéressantes », le syndicat indique dans un communiqué du 15 décembre, qu’il « jugera sur pièce et attend la concrétisation des annonces ».

Le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles, qui accompagne le pacte, est un texte « utile et nécessaire » sur les enjeux de formation et de transmission installation, mais « qui ne donne pas de cap à l’agriculture française », note le syndicat majoritaire.

Parmi les dispositions qui ne convainquent pas, la FNSEA s’inquiète d’un diagnostic de la santé des sols « sans périmètre précis et sans évaluation de coûts » qui risque d’aboutir à « de nouvelles contraintes normatives ».

Le syndicat majoritaire déplore aussi l’absence de dispositions fiscales en direction des jeunes agriculteurs, et de mesures accompagnant les bailleurs dans la location aux jeunes.

Pas de volet foncier

La Confédération paysanne affiche, quant à elle, sa déception, dans un communiqué du 15 décembre, en qualifiant le pacte de « mauvaise orientation pour l’agriculture française ». Déplorant l’absence d’un volet foncier pourtant « capital », le syndicat appelle à plus de régulation et de répartition pour l’installation de « paysans nombreux ».

Le syndicat estime que les dispositions du pacte « livrent un peu plus l’agriculture aux capitaux privés » fustigeant, pêle-mêle, la place des énergéticiens ou les groupements fonciers agricoles d’investisseurs.

Pour le Modef, qui a réagi dans un communiqué le 18 décembre, « la Safer pourrait être menacée de disparaître avec ce nouveau dispositif ». Le syndicat estime qu’il s’agit d’un texte qui n’est « pas à la hauteur des enjeux en termes d’installation agricole, du renouvellement et du changement climatique ». Il regrette aussi qu’aucune mesure sur l’eau n’aie été proposée.

De son côté, la Coordination rurale s’inquiète du projet de création de groupement foncier agricole d’investissement (GFAi). Elle « a toujours été contre la financiarisation de l’agriculture, rappelle Véronique Le Floc’h, sa présidente, à La France Agricole. On laisse sous-entendre installez-vous d’abord, et pour ce qui est de l’accession à la propriété de votre outil de production, on verra après. Entre temps, produisez […] Nos jeunes doivent voir l’intérêt marginal d’être chef d’entreprise plutôt que salarié. »

Le guichet unique divise

Jeunes Agriculteurs, de son côté, se « félicite autant du résultat que d’avoir été à l’initiative de ces travaux et d’avoir pu y faire entendre ses propositions ». La création d’un guichet unique « France Service Agriculture », était une des propositions « phare » du rapport d’orientation de 2020 du syndicat, rappelle JA.

Que ce soit pour « s’adapter aux besoins des futurs installés, dont les profils continuent de se diversifier » ou pour accompagner « l’ensemble des futurs cédants » dans la transmission de leur exploitation, le guichet unique apporte « une réponse » au défi de la transmission. Même constat pour la FNSEA qui salue une avancée pour « rationaliser le parcours des candidats et des cédants ».

Le Modef, quant à lui, considère la création du bac + 3 bachelor agro ou encore du réseau France Services Agriculture comme des « mesures marginales ».

Sur le guichet unique, la Confédération paysanne doute de la capacité des chambres d’agriculture à « garantir l’accompagnement de la grande diversité des projets, des parcours et des profils à l’installation ». Elle demande que cette mesure soit accompagnée d’une « évolution du mode de scrutin […] vers la proportionnelle intégrale » pour les élections des chambres d’agriculture. Ce qui permettrait au syndicat d’obtenir davantage de sièges.

« On redonne du pouvoir aux chambres d’agriculture, souligne de son côté Véronique Lefloc’h, la présidente de la Coordination rurale au sujet du futur guichet France Services agriculture. Mais si elles n’ont pas réussi maintenant, qu’est ce qu’elles peuvent faire de mieux. »

Une régulation foncière favorable au bio

Plusieurs « organisations paysannes et citoyennes expertes de l’accompagnement à l’installation et à la transmission » (1) dénoncent également un manque d’ambition du pacte. Elles se satisfont d’un seul point : l’insertion dans le pacte de mesures relatives à la régulation foncière favorisant les surfaces en agriculture biologique et encourageant des « pratiques agricoles écologiques ».

Une mesure du pacte prévoit en effet que les règles de priorité du contrôle des structures pour l’attribution du foncier soient changées pour favoriser les reprises mettant en œuvre des pratiques agroécologiques ou le maintien des terres en agriculture biologique. Des mesures que les associations déclarent avoir demandées au ministre.

Baisse d’ambition sur la transition agroécologique

De son côté, le collectif Nourrir, dont font partie ces mêmes associations et qui regroupe 53 organisations dont la Confédération paysanne, estime que le pacte et la loi « ratent leur cible ». Il reproche une ambition abaissée par rapport aux annonces d’Emmanuel Macron faites en 2022 et estime que les mesures présentées ne permettront pas d’assurer le renouvellement des générations et d’accélérer la transition agroécologique. Une transition que le collectif juge « quasiment invisible » dans le pacte.

Il estime même que certaines mesures vont à l’encontre de cette transition. Pour appuyer son propos, le collectif Nourrir cite la volonté du gouvernement de « faciliter les projets d’industrialisation de l’élevage » et « d’accélérer la mise en place des mégabassines ». Une mesure prévoit en effet de « sécuriser et accélérer » les projets agricoles de stockage de l’eau ou d’élevage, notamment en ce qui concerne le risque de contentieux.

Dissension sur l’élevage et l’eau

Une « fuite en avant » pour la Confédération paysanne et une mesure qui « vise à faciliter la construction des élevages les plus industriels », dénonce Greenpeace via « l’affaiblissement des contentieux juridiques concernant les projets d’élevages industriels ». À l’opposé, JA salue l’accélération des procédures de recours concernant les projets de stockage de l’eau ou d’élevages classés ICPE (installation classée pour la protection de l’environnement).

Excepté la priorité donnée aux projets d’installation avec des pratiques agroécologiques, Greenpeace pointe que le pacte ne comprend « aucune mesure de soutien et de développement des élevages les plus vertueux (paysans et/ou biologiques) ». L’ONG s’interroge surtout sur la cohérence entre ce pacte agricole, la planification écologique gouvernementale et le volet démocratique du texte, avec de nombreuses mesures qui ne sont pas soumises à un vote du Parlement.

Des moyens financiers pour les chambres d’agriculture

Les chambres d’agriculture saluent, dans un communiqué de presse diffusé le 19 décembre, les annonces du Pacte. Elles verront de nouvelles missions leur être confiées : elles auront à leur charge le point accueil unique du futur réseau France Services Agriculture, elles contribueront à l’élaboration et au déploiement des diagnostics d’évaluation des exploitations, et assureront l’interface entre les établissements scolaires et les exploitations afin de faire connaître les métiers de l’agriculture. « Restent des attentes de moyens », déclare Sébastien Windsor, le président de Chambres d’agriculture.

(1) Fadear, Fnab, Mouvement interrégional des Amap, Reneta, Civam, Sol, Terre de liens et InPact.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement